« Cours ma fille! »
Tous aux abris, le Parti Populaire, parti de la droite conservatrice espagnol, a décidé de tirer un trait sur les droits de vos enfants. Oui, je vous parle à vous, classes populaires, déjà pauvres, et en plus précarisées par la crise. Vos enfants, qui ne pourront plus assister à des cours de qualité dans des écoles publiques, et qui devront payer plusieurs centaines d’euros pour des « écoles concertées » où l’ont sélectionne de plus en plus à l’entrée. C’est le parti socialiste qui vous parle, le PSOE, celui pour qui vous devez voter le 20 novembre pour sauver l’école publique, les hôpitaux publics, et tout ce que le Godzilla de l’intérêt général Mariano Rajoy s’apprête à écraser de sa barbe.
Et oui, on en est là. Le PSOE est en perte de crédibilité fulgurante depuis qu’il a voté des lois anti-sociales pour faire face à la crise économique qui étrangle les finances de l’Espagne corrompue et dépendante du secteur immobilier. Du coup, à la veille des élections anticipées qu’il va sûrement perdre -c’est en tout cas ce que disent tous les capteurs d’opinion publics, recrachés par les plus grands journaux- le parti socialiste emmené par Rubalcaba le sage, nous ressort le discours de la croisade contre la droite antisociale, inhumaine, aux dents acérées prêts à se refermer sur vos petites vies de classe moyenne au chômage, bande d’idéalistes indignés avec un seul compte en banque ! Le seul problème, c’est que le vieux Rubalcaba et ses communicants ne sont pas si loin de la vérité, à en croire les témoignages récoltés dans la presse. Et ces paroles de Teresa Esteban, membre de la direction du syndicat des travailleurs de l’éducation de Madrid (STEM). Je lui ai demandé de m’expliquer un peu pourquoi les professeurs avaient décidé de jouer aux indignés depuis la rentrée scolaire. Et surtout pourquoi les parents d’élèves, au lieu de les conspuer, avaient décidé de les suivre…
« Les manifestations actuelles ne portent pas que sur la dernière compression budgétaire. C’est la goutte d’eau d’une évolution qui fait que l’argent n’arrive plus dans les établissements publics, que le soutien scolaire n’est plus assuré par les enseignants mais par des entreprises privées. Et enfin, la baisse du nombre de professeurs, qui fait que l’on se retrouve parfois avec 40 élèves par classe. On assiste à une décompensation du système scolaire public…
D’où remonte ce processus ?
A la fin des années 1970, on assiste à une augmentation de la population, et il n’y a pas de centres publics pour accueillir toutes ces personnes qui ont connu une véritable exode rurale vers les grandes villes comme Madrid, Barcelone ou Valence. Des écoles privées se sont donc construites à la va-vite, sans cour de récréation ni structures adéquates, avec parfois 50 élèves par classe. La loi LODE (1985) décrète que la moitié de ces centres, en compensation de l’effort consenti pour accueillir dans l’urgence cette population, vont conclure un accord (ceux que l’on appelle les « colegios concertados ») qui leur permet d’être financé par le public. Pour devenir des écoles concertées, ils devaient répondre à certains critères : être gratuit tout d’abord, et accueillir des élèves des franges défavorisées des villes. Mais à partir des années 1990, la loi LODE a été pervertie. La norme actuelle tend à être celle d’« écoles concertées » sans critères sociaux et payantes. Cette évolution a surtout eu lieu à Madrid et au Pays Basque. Maintenant, ils suppriment des postes dans le public pour que les professeurs aillent dans le privé, où ils seront moins bien payés, et auront plus d’heures. L’école publique devient donc peu à peu une école d’assistance.
Mais vous espérez vraiment un changement par la rue, alors que le PP est donné grand vainqueur des élections dans tous les sondages ?
La droite ne s’attendait pas à une telle réaction du corps professoral, mais aussi des parents d’élèves accompagnés de leurs enfants, qui refusent de sacrifier leur école et leur avenir. Une telle mobilisation n’avait pas été vue depuis très longtemps. Ce qui importe, c’est qu’au moins il y ait eu une réponse; ils savent désormais que leur politique de coupes du service public de l’éducation aura un coût public et politique. C’est déjà un succès d’avoir fait parvenir cette préoccupation à la société… Alors pourquoi ne pas aller jusqu’à influer le cours des élections ? De plus en plus de familles réalisent qu’elles ne pourront pas payer les frais d’inscriptions dans les écoles concertées. Elles comprennent donc qu’une éducation publique de qualité est dans l’intérêt de tous.
C’est aussi ce que s’est dit le PSOE, en publiant cette vidéo alarmiste. A vos marques, prêts, courez !
La dernière vidéo du PSOE en route pour la campagne du 20N
Photo : (cc)ianmyles/flickr
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